De l'importance de la robe de chambre chez les intellectuels du XVIIIème siècle !
+ A la recherche du véritable nom du tableau de Jean Huber
Depuis plusieurs années, mes collègues et moi-même présentons aux élèves un tableau de Jean Huber, Le dîner des philosophes, où l'on voit Voltaire,"le patriarche de Ferney" avec ses amis intellectuels, autour d'une bonne table, en toute décontraction ! Jugez plutôt : Diderot ne porte pas de perruque, Voltaire reçoit en bonnet et en robe de chambre !
Voici le croquis visible sur le manuel Hatier 1ère, d'Hélène Sabbagh.
Et le tableau visible par exemple sur le site de la fondation Voltaire à Oxford, et plus précisément du "Besterman center for the Enlightenment" :
(Comparez les deux et trouvez l'erreur !)
Cette oeuvre montre l'importance de la sociabilité, de la conversation
dans l'exercice de la pensée. Le philosophe apparaît bien, dans la
lignée de l'idéal de "l'honnête homme" du XVIIème siècle :
"Notre
philosophe ne se croit pas en exil dans ce monde ; il ne croit point
être en pays ennemi ; il veut jouir en sage économe des biens que la
nature lui offre ; il veut trouver du plaisir avec les autres ; et pour
en trouver, il doit en faire : ainsi il cherche à convenir à ceux avec
qui le hasard ou son choix le font vivre ; et il trouve en même temps
ce qui lui convient : c'est un honnête homme qui veut plaire et se
rendre utile."
César Chesneau Dumarsais, L'Encyclopédie, (1751-1772), article "Philosophe"
Actuellement a lieu à Dijon une exposition formidable que je vous recommande si vous avez l'occasion d'y passer ou séjourner ( Dom et Cath par ex ! ) : "Les heures du jour, dans l'intimité d'une famille de la haute société, de Louis XIV à la IIIème république."
J'y ai vu des portraits de notables de XVIIIème siècle, comme par exemple :
Jan I Van Kessel, Portrait d'homme en robe de chambre,
fin XVIIIe, huile sur bois, 29,9x24,5.
"coiffé d'un bonnet d'intérieur, afin de n'avoir pas à supporter l'inconfort de la perruque et de ne pas révéler son crâne rasé, et vêtu de sa précieuse robe de chambre, Monsieur se retire dans son cabinet d'étude, sanctuaire masculin situé généralement non loin de la chambre, afin de répondre à ses obligations épistolaires et aux devoirs de sa charge" (commentaire du catalogue de l'exposition)
Découverte de taille concernant le tableau de Jean Huber : le titre n'est pas celui donné par nos collègues des éditions Hatier du manuel 1ère, mais La sainte Cène du patriarche ! Cette référence n'échappe pas à l'analyse du tableau réalisée par les élèves - enfin, par certains d'entre eux - mais bien évidemment la différence de titre change le regard.
Qui croire ? Ne doit-on pas plutôt se fier à la fondation Voltaire de l'université d'Oxford ? le croquis et le tableau ont-ils bénéficié de titres distincts ? Et quelle sont les dimensions respectives de ces deux oeuvres ? Et les techniques exactes utilisées pour les réaliser ?
Je vous conseille, en attendant d'autres recherches - vos contributions sont les bienvenues -, d'aller lire leur analyse du tableau, en anglais of course.(cliquer sur le titre du tableau)